mardi 18 janvier 2011

The Party

"What a party it will be !" - dit Joe, avec sa jolie voix cadavérique, son immense tresse ruisselante de broches en or lui courant le dos jusqu'aux hanches. Les jeunes gens ici rassemblés discutaient depuis des heures pour passer l'ennui de l'attente. Bientôt la Grande Fête de Lupanar Island, sponsorisée par les mairies de Paris, de New-York, de Tel Aviv, de Londres, de Barcelone et de Riyad, allait en effet battre son plein. "Moi je serai au Hard-Palace avec trois blondes superbes" dit avec un long visage grimaçant David. "Nous, on sera avec Céline à la grande Muséeglise Starbucks" lui rétorqua Abdel glougloutant d'enthousiasme

Le Grand Imperator avait tout organisé du haut de son Très Grand Trône. Perché sur la tour la plus haute du Monde, il ridiculisait glorieusement de ses rires inflexibles - répercutés par d'immenses haut-parleurs en forme de museaux de porc - toutes les tours alentour et tout ce que le monde comptait de petit.

La Très Saine Église de la Concupiscence Frigide et Plastifiée encadrait la soirée et homologuait tout les actes sexuels, qui étaient légions et se produisaient partout dans les rues sans excès de joie. Tout le monde portait gant et capote avec élégance durant l'acte. Quelques rares esprits chagrins trouvaient à y redire et regrettaient la chaleur des époques passées, mais merci au Grand Imperator, ils n'étaient pas entendus. C'était beaucoup plus sain comme ça.

Un clochard angélique tout chaud sorti de la pauvre couverture qui lui servait de palais, s'approchait maintenant doucement de la petite société qui piaillait et vrombissait de roucoulements inhumains. On aurait jugé son visage sublime selon les obsolètes standards du Monde Bien Heureusement Défunt. Son regard d'une pureté horriblement enfantine était si typique de cette époque dégoûtante peuplée d'hommes historiques et affreusement non modifiés par la technologie postmoderne. L'histoire de ces anciens hommes encore agités par les chimères du Bien, de la Justice et du Beau révulsait aujourd'hui tout ceux qui en avaient eu vent, c'est à dire, très peu de monde, les autres se rangeant à l'avis de ces derniers. Les cheveux blonds et bouclés, monstrueusement éclatants, et que l'on jugeait aujourd'hui bien accordés à son accoutrement dépenaillé, tombaient dans la nuque du clochard qui, entouré d'une myriade de chats, s'approcha tranquillement du petit groupe de jeunes fringants, puis avec un sourire discret, leur jeta dix centimes de GoldDollar, cette glorieuse Monnaie du Monde. Il repartit tranquillement, sous les crachats hargneux des jeunes gens.

"Let's go crazy !" s'écria hystériquement Amélie en relevant son t-shirt jusqu'à la lisière de ses seins tandis qu'elle montrait fièrement les plaies de ses huit avortements en gigotant du ventre (les neufs premiers avortements étant rémunérés par l'état pour cause de recyclage des fœtus utilisés dans la confection de crèmes rajeunissantes, elles-mêmes remboursées par la Sécurité Sociale Intégrale)

Une prostituée clandestine, affreusement sculptée de l'avis général de la petite assemblée - hanches délicates, chevilles finement dessinés, profil altier, fière poitrine - et sa douce main caressant dans sa poche une bible couverte de cuir (vieux livre inintéressant depuis longtemps remplacé par le Très Sain Catéchisme), traversa la route avec un lourd regard inquiet et rouge, comme si elle portait avec elle quelque secret millénaire.

Un passant affreux glissa sur un paquet de cigarettes sans tabac, sous les rires simiesques de la foule. Tout le monde était très manifestement excité. On osait à peine l'appeler par son nom cette fête, tellement l'expectation était douloureuse et lancinante pour tous. Mais c'est Arthur qui s'y risqua le premier, un grand sourire bizarre éclairant sa belle face de hyène. Il interrogea Jeannie en hurlant : "Et toi alors, t'as prévu quoi pour l'apocalypse ?"

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