vendredi 25 février 2011

Untitled woman

Trente et un pour une feuille blanche
La mort au bec, sourire tranchant comme un couperet
Ces mains, ces mains dans leurs poches, blanches comme l'acier
trempé et froid
Je ne saurais jamais votre nom, car vous n'avez rien
de nommable, aucun nom ne vous paye de votre beauté silencieuse
Salaire pour une passe du coeur,
d'un croisement exact comme le rouge soleil
Femme d'aurore, improbable comme la grêle
la grêlé d'été, lumineuse et glacée de vos yeux pâles
Qui a fait votre coeur si froid, si pâle et couvert ?
coeur ouvert comme l'épée dans la chair et clos,
clos comme l'hiver de vos yeux
Le macadam tremble sous vos pas legers de sauterelle,
vos jambes noires et macabres comme des ciseaux
Ô condition de macaque terrestre
forcé au silence par l'accablement de votre joie
d'être telle que Dieu vous a faite,
douloureusement parfaite.

Saurais-je un jour votre nom ?

Maybe the moon



The lips are bright red, the mascara comes
From outer space to reach the eyelids
And highlight what the mouth lit.
What is funny, funny you know
Is the way the high heels reach for the
Invisible steps
That cross your path and lead to the death
Of stars, already dead anyway
Of candles shattered by the wax of your plastic
Ways.
Maybe the moon, too, its paleness undermined
By the whiteness of your jaw, yet splattered
By the gray that you then lay all over
Your ashtray.
Dear you, me wish I could be your color landlord
Me wish you would not kill every heavenly body
Including stars, candles, and maybe the moon.
Best regards to your pink cheeks, they
Pay tribute to no one

lundi 14 février 2011

Casino macabre



Il y a deux églises à Forge-Les-Eaux. L'une modeste est à la gloire du Christ. L'autre a des airs de cimetière clinquant, et est à la gloire du jeu.


On y entre le sourire aux lèvres et les poches pleines d'espoirs chiffresques. Le "gling-gling" incessant des pièces qui s'y écoulent évoque dès l'abord la fièvre de l'or, et le bling-bling des costumes trois pièces un monde de cadavres sur leurs trente et un. Que de fantômes l'on voit passer, aux regards illuminés par l'espoir du gain, les mains tremblantes.

Le casino, comme un immense mausolée son et lumière, prend des airs de grandes bacchanales molles gonflées aux martingales douteuses. Certains, avec leurs petits carnets croient dompter Dieu. Il n'y a pas de hasard, se répètent t-ils, en comptant leurs pertes. La foule est dense, massée aux abords des tables. Coups de poker ! Risques-tout ! Coups de sang ! Va-tout ! Les croupiers sont tous très concentrés. On ne rigole pas avec le jeu. Les battements de cœurs indexés sur les tours de la grande roue martèlent en chœur, comme un troupeau d'artères enthousiastes sur un grand huit.

A genoux devant le saint-écran d'une machine à sous, un damné tremblote d'exaltation. Il vient de gagner vingt euros.

Dans la petite salle fumeur on vient refroidir ses ardeurs. On y croise de petites étudiantes sexy, des vieux loups revenus de tout, d'obscurs ascètes du jeu tout en noir, des chômeuses a moitié ivres qui racontent leurs pertes.

A l'étage s'agitent mollement, comme en apesanteur, quatre jeunes rachitiques en t-shirt dans un grand bain technoïde plein de nuit et d'éclats fluorescents.

Ce grand palais cauchemardesque de l'indécence chiffrée possède la séduction du diable. Un jeune homme mal rasé perd coup sur coup sept mile euro avec le sourire. Longtemps après son départ, on entendra une détonation étouffée venant du lac. Les machines à sous sont comme de grandes tombes clignotantes digérant goutte à goutte le sang des pauvres. Dieu punit ici les dévots du hasard et châtie les amants du destin. Tout le monde à tort dans un casino.

On enterre ici des centaines de fois par nuit l'espoir et l'esprit. Les crânes cliquetants bondés de signes soumis à l'hypnose du nombre et à la valse des figures finissent assommés. Le casino gagne toujours à la fin. On en ressort comme d'une essoreuse, les poches vides et les yeux pleins.

vendredi 11 février 2011

Danse avec les loups de mer



Le physio' a un pote qui a un voisin dont la sœur me connaît, il me laisse rentrer. J'incube immédiatement dans une cuve de chaleur corporelle, sorte de hammam alimenté par l'énergie calorique d'humanoïdes se déhanchant. C' est comme si le système de chauffage dépendait de tous ces cobayes savants, y compris moi bientôt, qui pédalent dans le vide dans un moulin hydraulique pour y entretenir la saugrenue humidité marécageuse et la température propice à la débauche, cette mère des étincelles d'un soir, qu'elles soient musicales ou sexuelles.

Très vite je me joins à un groupe de jeunes filles. Elles sont magnifiques, tournant leur tête et leur bassin au rythme d'une musique électrotechnique voire alien. Ces filles sentent bon la sueur et le parfum luxueux qu'on a déjà mille fois senti mais dont on ne connaîtra jamais le nom, car on n'aura jamais l'occasion de le leur demander. D'ailleurs, me voici déjà assis à une table, loin du groupe me terrorisant de par sa coordination et son mépris, comme un banc de poissons ne laissant pénétrer que les planctons délectables et délaissant les gros poissons-chats patauds que je suis, que beaucoup de nous sommes. Mon verre translucide abrite un élixir dégoûtant mais qui désinhibe, je l'avale en me forçant à ne pas froncer les sourcils comme quand j'observe les néons multicolores, qui flashent et qui frappent mes yeux.

Un groupe de messieurs, requins rendus un peu marteaux par l'alcool, approche des fillasses moins superbes que celles précédemment frôlées, mais tout aussi bonnes danseuses. Ils tournoient autour d'elles pour percer leur défense, je les vois chuchoter. Quant à elles je les vois se jeter des regards et se décaler ; elles ne veulent pas d'eux. Le regard vitreux des messieurs me liquéfie, ils fixent leurs proies et insistent lourdement. Moi, fort de mes quelques coups dans le nez, je me lève pour leur dire d'arrêter, mais me ravise aussitôt. Ils me réarrangeraient le portrait sens dessus dessous, et puis je ne veux pas que le sang sue de sous mes narines : j'ai déjà du mal à respirer, je me sens oppressé, et j'ai une branchite.
Qui suis-je pour intervenir dans une querelle de consommateurs ?

Le bain de foule ne m'aura rien appris, et je terminerai la soirée à manger une barquette de thon devant une rediffusion de Thalassa, jubilant de l'investissement fait dans ma télé ultra-plate, qui est somme toute bien plus rentable que d'admirer des dos fins hors de prix.

lundi 7 février 2011

Piège de Cristal

« Loin du triangle en plein hexagone, le cercle est vicieux. Mais je tiens les plans des faux géomètres en échec
En me tenant carré à l'image du cube de la Mecque »


Présentation de la carte d'identité plastifiée. Trop grande pour mon porte-monnaie, je l'avais placée au préalable dans la poche arrière droite de mon jean. J'ai moins de 26 ans et je suis ressortissant, sans jamais en sortir, pourtant, de l'Union Européenne. Alors j'accède gratuitement à la pyramide translucide et m'engouffre dans ses tunnels et dédales grouillants de robots organiques s'arrêtant tour à tour aux attractions visuelles, avec une seule rengaine en tête « Qu'est-ce que l'Art ? ». Est-ce ce tableau représentant une franchouillarde grassouillette, poitrine dénudée, du bonnet phrygien équipée, de son garde du corps pochtron flanquée, lui-même doté d'un revolver et d'un air féroce ? Serait-ce cette salope au visage ingrat et dont les yeux trop rapprochés disent « merde » à ses spectateurs en les suivant comme un stalker malintentionné ? Est-ce cette femme-tronc qui laisse les foules de marbre, foules qui pourtant se vantent à leurs proches de l'avoir vue, elle qui n'a pas de Créateur et débarque de sa pauvre île en vraie star, paradoxe avec son prénom planétaire ?

J'ai parcouru les trois coins de ce piège de cristal, en long en large, en diagonale, j'y ai vu la Beauté des oeuvres contrastant avec la laideur des regards indiscrets la scrutant, des travaux magistraux qui se vendaient comme une construction pharaonique de « kahba » circonscrite au sein de la Kaaba, trois Marie-Madeleine dans le bull's eye de la Kabbale, le péché dans l'orthodoxie, la pureté dans le blasphème. Le tout rissolait comme un oeuf brouillé qu'on aurait agité d'un coup de fourchette huileuse, gouacheuse ou pierreuse, et me voilà perdu dans la superbe Hétérodoxie de l'Art.

Holy soit qui mal y pense



Il faut toujours suspecter son voisin. Déjà, il habite à côté de chez vous. Ce genre de signes ne trompe pas.

La saine suspicion est même une chose un peu sainte si l'on y regarde bien, encore la meilleure façon de protéger les siens de la canaille, voilà la conviction d'Arthur Auguste. "Méfiez vous les uns des autres, ainsi parle la vraie sagesse à l'inverse exact des fariboles angélistes. N'est-il pas vrai que ce voisin a de drôles de regards pour ma petite fille ? Qu'il fume, ce qui n'est jamais bon signe, et qu'il boit, plus que de raison. Son allure dissolue ne me revient pas, ni ses drôles de grimaces quand il me dit bonjour. Aimer son prochain, aimer son prochain ... J'aimerai mon prochain voisin moi, s'il est moins louche, mais pour ce drôle, je passe mon tour."Ainsi parlait Monsieur A.

Ce trois juillet, monsieur A. vit passer, tandis qu'il regardait négligemment par sa fenêtre, son voisin Bernard Bertin, un long couteau à la main ! Il s'attendit à l'entendre discrètement pénétrer dans son petit pavillon, mais il pénétra franchement, en criant garde ! Monsieur B. s'exclama simplement "Il y'a quelqu'un ?" "Et par la porte principale, le bougre ! "chuchota Monsieur A. La voix venait de l'intérieur de la maison ! "Et comment qu'il y a quelqu'un !" se chuchota encore monsieur A., caché derrière la petite carabine qu'il venait de sortir de dessous le canapé du salon. 

C'était le moment tant attendu. Il prendrait enfin Bernard Bertin sur le fait et ferait bon usage de ses cours de tir. Quand il vit monsieur B. dans l'encablure de la porte du salon, une longue lame courbée dans la main droite et un couteau dans l'autre, il n'hésita pas un instant, et tira à vue. Monsieur B eut tout juste le temps de se renverser son plateau de gâteaux sur les pieds. La balle ricocha sur le plateau et vint se ficher en plein dans le cou de Charles Charpentier, qui espionnait depuis un moment monsieur A. depuis l'extérieur de la fenêtre du salon, le soupçonnant de macabres desseins, lui qui était toujours à s'occuper de sa carabine. Monsieur C. s'étala de tout son long, sans émettre un seul bruit, dans le jardin de monsieur A.. Dieu merci, monsieur Dupont observait la scène depuis sa fenêtre, lui qui soupçonnait littéralement tout le monde de tout, et il eut le temps d'appeler le SAMU avant que l'état de Monsieur C. ne soit critique.