mercredi 15 juin 2011

Une si douce Falot-cratie.




La Grande Mère prépare un gros biberon. Il pleut du lait sur Paris. Tati range sa pipe dans son grand pardessus gris, Gainsbourg écrase sa cigarette dans une petite flaque blanchâtre. Tout empétrés-laiteux, les grands Enfants de la Société roucoulent d'aise, en se chantonnant des mignarderies. Tout est bel et beau dans ce doux paradis pour grands et petits enfants.

Mais derrière le paravent ronronnant de cette si tendre compagnie, se cachent d'étranges lynchages, sans aucun doute très salubres, notamment quand l'on sait les réticences répugnantes de certains pour la communion dans le très doux catéchisme du jour. Ainsi l'on châtie avec force les mauvais coucheurs. Ceux-ci se plaignent de l'empire sans bornes de petites communautés soi-disant toutes puissantes faisant régner une hypothétique terreur sucrée sur le régime. Pire encore, certains d'entre ces trouble-fête prétendent, parlant au nom de l'on ne sait quelle idée saugrenue, remettre en cause une partie des très Justes Dogmes du temps radieux.

Merci à la Grande Mère, les éternelles victimes de la haine de ces Salauds trouvent de solides défenseurs dans la caste des Rentiers du Stigmate. Ces grands manitous des Compensations Sonnantes et Trébuchantes - saint sacrément des eaux tièdes de l'Histoire - se font ainsi des petites fortunes pour la Bonne Cause, dans l'indifférence presque générale des foules, trop occupées à leurs petites affaires roses et grises. C'est qu'un lynchage, y compris au nom des plus beaux mielleux principes, c'est un peu rouge, et que la vue du sang fait horreur aux petits enfants. Mieux vaut leur épargner ça, pensons à leur sommeil et à celui de leur mère.

Au moindre dérapage incontrôlé, les assoiffés de justice se ruent en masse, comme des piranhas indignés. Aussitôt, les Rentiers rappliquent, suivis de bataillons d'avocats pensant fort droit, bien que pour la plupart émasculés. Ainsi les mâle-pensants, tenus couilles par-dessus tête par ces eunuques en robe assoifés de procédure castratrice, expurgent ce qui leur reste d'orgueil. Les offensés hilares, comme un seul homme se congratulent, et tout le monde rigole plutôt bien, si ce n'est le très coupable supplicié, expiant à coup de chèques ses crimes de lèse-Vérité officielle. Autant dire qu'on lui pardonne mal d'avoir troublé le sommeil des petits, de les avoir empêchés de penser tranquillement en rond. Au derniers rangs du procès, la Vérité, exsangue, claque des dents. 

Pendant ce temps, les grands patrons de l'idéologie officielle, tout emmitouflés dans leur bon droit blanc comme neige, se posent de louches questions. Les bien-pensants sont bien pensifs. Quelque chose cloche. Tout cela manque un peu de conviction et d'enthousiasme. On ronfle un peu au fond de la salle. Et puis on chahute, un peu fort parfois, comme si l'ennui cotonneux excitait le goût du sang de certains. "Ce n'est pas sérieux les enfants", disent ces Grandes Consciences, sans trop y croire. La tyrannie de ces enfants-rois, gorgés des seins de la Grande Mère, est sans limite, leur impunité chose quasi-sainte pour le très doux régime. Les crimes de droits communs bénéficient de toutes les indulgences, et les petits diables s'en donnent à coeur joie. C'est que la Grande Mère pardonne beaucoup à ses petits, qu'avec amour elle les prend dans ses bras, les console, les cajole, qu'elle sait faire preuve d'une grande compréhension pour leurs égarements. Blanche mante religieuse, il lui arrive tout de même d'en manger un ou deux, quand cela est dans l'intérêt général, naturellement.

Pour finir, une petite recette de bonne maman. Prenez 50 centilitres de lait, ajoutez 10 centilitres de sang et mélangez avec amour. C'est doux, c'est rose, ça se boit sans fin. On tremblote de délice apaisé, et tous les soucis disparaissent. Alors on s'allonge sur le canapé et l'on s'en remet à la Grande Mère, dans un grand soulagement couleur grenadine. On se dit alors que cette falot-cratie est bien le meilleur régime qui soit, n'en déplaise à ses obscurs détracteurs.

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